Être solidaire, un acte lucratif ?

- Action citoyenne - National

Cela fait plusieurs mois que nous parlons du travail semi-agoral ou encore travail associatif. Comme si travail et volontariat pouvaient fonctionner ensemble? Le gouvernement fait le forcing mais Altéo et de nombreuses autres organisations réaffirment leur refus de voir un tel projet se mettre en place et mettre à mal les travailleurs, les associations et le projet d'engagement solidaire qu'accomplissent chaque jour des milliers de volontaires. Découvrez la carte blanche signée entre autre par Altéo: 

Plantons le décor !

Le gouvernement fédéral va déposer le projet de loi suivant : permettre aux citoyens (indépendants, fonctionnaires, temps partiels, ou jeunes en service civil) d’être rémunérés sous certaines conditions, à hauteur de 500 euros par mois…net d’impôts ! Cette défiscalisation du travail sera possible dans 3 secteurs d’activités : le secteur associatif, le secteur public sans but lucratif, et dans le cadre de services occasionnels rendus entre citoyens. La liste des activités possibles reprend quasiment tous les secteurs du non-marchand : aide aux personnes, santé, accueil de l’enfance, sport, culture, enseignement… Pourtant, toutes ces activités sont soumises à des normes de sécurité, de qualité, des conditions de qualification, voire d’accès à certaines professions… Le saviez-vous ? Le secteur du non-marchand représente 1 personne active sur 5 en Wallonie, soit 20% de l’emploi !
 
Malgré une véritable levée de bouclier de l’ensemble des employeurs et syndicats du pays* ; du secteur du non-marchand et de sa mobilisation contre ce projet de loi (c’est dire la façon dont le gouvernement a concerté les principaux intéressés), ce dernier sera soumis au vote, comme par enchantement,cette semaine au parlement.
 

Une tendance sociétale, un risque majeur pour les générations futures

Plus qu’un phénomène de société, derrière une volonté légitime du gouvernement de réduire le marché noir, d’encadrer l’économie dite collaborative, de régir l’ubérisation de certaines activités, il institutionnalise peu à peu la marchandisation d’une valeur fondamentale : la solidarité entre les personnes. Posons-nous les questions suivantes : demain, allons-nous compléter notre feuille d’impôts en y mentionnant l'aide que nous avons apporté à nos parents à se soigner ? Allons-nous les confier à des inconnus dont nous n’aurons aucune idée des qualifications? Allons-nous calculer la rentabilité potentielle de venir en aide ou non à nos voisins ? Allons-nous mettre en concurrence un indépendant avec un citoyen lambda pour l’entretien de notre pelouse ? …
 

« (mini) Jobs (mini) Jobs (mini) Jobs »

En clair, ce fameux projet de loi « semi-agoral » vise à créer un sous-statut pour l’ensemble du non-marchand et l’économie collaborative. Des «contrats» sans cotisations sociales, sans précompte professionnel …. Cela veut dire aussi : aucune protection du travailleur, la mise en péril de la Sécurité sociale, la déprofessionnalisation du secteur non-marchand. Est-ce cela le programme du gouvernement visant à nous faire retrouver le plein emploi derrière son adage « Jobs Jobs Jobs » ?
 

Le rêve prend fin

Si cette loi entrait en vigueur, nous identifions des risques majeurs
  • la déprofessionnalisation dans de nombreuses activités liées à la santé, l’accueil de l’enfance, la santé…, en engageant des personnes sans formation, peut-être sans compétence et sans motivation autre que pécuniaire;
  • la disparition du volontariat : en mettant en concurrence les volontaires et les « travailleurs associatifs rémunérés »;
  • un dumping social au sein même de notre pays, en créant des règles différentes en fonction que l’on soit un employé/un indépendant ou un citoyen désirant arrondir ses fins de mois pour une même activité;
  • un affaiblissement de notre sécurité sociale. La Cour des comptes a identifié une perte potentielle de 190 millions d'euros par an.
Ces risques sont soulignés par de très nombreux acteurs* dans des avis adressés à la Ministre et aux membres du gouvernement. Malgré ces interpellations successives, le gouvernement poursuit son rêve… toujours sans concertation.
 

Et pourtant, tout avait bien commencé…

En 2015, l'existence d'une "zone grise" entre le volontariat et l'emploi a été pointée par le Conseil supérieur des volontaires (CSV). Dans cette "zone grise", on ne se trouve ni dans le cadre de l'emploi ni dans celui du volontariat, dans la mesure où les défraiements dépassent les plafonds légaux (1.361,23 euros par an). C'est notamment le cas dans le monde du football amateur. Pour pallier ce problème, le CSV s'est penché sur la question à la demande de la ministre fédérale des Affaires sociales Maggie De Block. Il a recommandé la création d'un statut intermédiaire ("semi-agoral"). Ce statut prévoyait notamment que la prestation devait être effectuée en dehors du secteur commercial ; que l'indemnité était imposable (mais exonérée de cotisations sociales) et que la personne devait faire valoir des droits sociaux via une autre activité professionnelle principale. En octobre dernier, le gouvernement fédéral a traduit ces recommandations dans un projet de loi sur le "travail associatif". Ce projet est centré sur une nouvelle forme de travail rémunéré, sans cotisations sociales, sans précompte professionnel, sans protection du travailleur, sans contrôle des professions....
 
Ce projet de loi pose de nombreuses questions tant juridiques, techniques que pratiques. Nous militons pour revenir à la proposition initiale du Conseil supérieur du volontariat (CSV), et nous demandons que tout développement futur puisse faire l’objet d’une véritable concertation sociale. Enfin, il nous parait essentiel de limiter les zones d’application de cette loi aux secteurs directement concernés et ayant fait l’objet d’un accord formel de la commission paritaire liée.
 
*Plateforme regroupant tous les acteurs qui se sont prononcés sur le projet de loi « semi-agoral » http://www.50nuancesdeblack.be/
 
Signataires : la plateforme collective des associations, fédérations et organisations
 
Alteo : Mouvement social de personnes malades, valides et handicapées
ASPH : Association socialiste de la personne handicapée
CBCS : Conseil bruxellois de coordination sociopolitique
CPF-FPS : fédération des centres de planning familial
CGSLB : Syndicat libéral
CGSP : Centrale générale des services publics
CJC : Conseil de la jeunesse catholique
CNE : Centrale nationale des employés
CSC-Services publics, secteur ALR (Administrations locales et régionales)
Enéo : Mouvement social des ainés
Espace Seniors
FASS : Fédération des associations sociales et de santé
FASD : Fédération d’aide et soins à domicile
FCPC : Fédérations des centres de planning et de consultations
FCSD : Centrale de services à domicile
Fédération des maisons médicales
Fédérations de la Sous-commission paritaire 319.02
FESOJ : Fédération des employeurs du secteur jeunesse
FILE : Fédération des initiatives locales pour l’enfance
FIMS: Fédération des institutions médico-sociales
Fmjbf : Fédération des maisons de jeunes en Belgique francophone
FPS : Femmes prévoyantes socialistes
FSB : Fédération des services bruxellois d’aide à domicile
FSMI : Fédération des services maternels et infantiles
J&S : Jeunesse et Santé
Latitude Jeunes
Ligue des familles
MC : Mutualité chrétienne
MOC : Mouvement ouvrier chrétien
Plateforme d’action santé solidarité
PFV : Plateforme francophone du volontariat
SANTHEA : Association professionnelle des établissements de soins
SETCA
Solidaris (Mutualité)
UNESSA: Union en soins de santé